Vent de travers dans le Val d’Azun
Ou de face. Ou de trois-quarts face. Le plus souvent d’une direction indeterminable, tant les ramures, les feuillages et les herbes semblaient anarchiquement chahutés. Quant à l’avoir dans le
dos, quand bien même cela a pu se produire, l’assistance ainsi fournie aura été instantanément consommée par la combustion musculaire sans que l’on ait le loisir de jouir du bénéfice.
En contrepartie les précipitations se réduisirent à quelques gouttes que le souffle avait arrachées au ciel en secouant les nuages hirsutes. Loulou avait choisi avec soin la source d’information
météorologique. Il avait exposé la prévision du moment avec pédagogie, en sorte que le septicisme qu’aurait pu dès l’aube susciter l’aspect sinistre du ciel ne trouva pas dans nos esprit un
terreau de nature à y enraciner le découragement.
C’est cet optimisme raisonné qui nous avait incités à nous rendre avec nos vélos à Agos-Vidalos. Et c’est donc avec gaieté et entrain que nous avons pris le chemin d’Argelès, puis Pierrefitte par
le vieux centre étroit cher à Loulou, Saint-Savin et son abbatiale romane, trésor de pierre auquel on tient même si le ciel est vide, précisément parce que ces édifices emplissent le ciel de leur
beauté… puis Arcizans, Sireix que l’on atteint après quelques rampes sévères, puis Estaing. De là il ne reste plus que deux kilomètres pour le col des Bordères. Mais quand ça monte dur, c’est
long. On change d’échelle. Chaque hectomètre franchi est une victoire sur soi-même. Aline, Anne et Claudine savent en quelle profondeur de leur être elles ont dû aller chercher la satisfaction
qu’elles ont éprouvée au sommet. Les autres étaient devant. Mais ce qui les aura rendus heureux, ce n’était pas d’être devant, plus loin, plus haut, mais d’avoir eux aussi mené le combat intime
par lequel on apprend.
Après les efforts nous nous sommes retrouvés à la table du restaurant “Chez Pierre d’Agos”. Le repas fut alors ce moment où l’on se reconstitue par la nourriture, par le plaisir que procure le
goût, mais aussi par quelque chose qui n’est pas dans les assiettes, que chacun apporte de l’intérieur de soi, qui construit la joie commune.
Y.Coupel